Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.
Nicolas Grellier et Clémentine Rigot
Quelques mois après le décès de Simone Veil, le droit à l'avortement est-il véritablement acquis ?
En France, les polémiques liées à l’interruption volontaire de grossesse se suivent. Mercredi, Marlène Schiappa, la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, annonçait que les Interruptions volontaires de grossesses (IVG) reprendraient à la fin du mois, à Bailleul, cet hôpital sarthois qui, faute de moyen, ne proposait plus l’intervention médicale. La veille, pourtant, une déclaration dans l’émission Quotidien avait attisée la brûlante question de l’IVG : « Nous ne sommes pas là pour retirer des vies ». La flèche est décochée par Bertrand de Rochambeau, le président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof). Il n’en fallait pas plus pour rouvrir un sujet qui embrase un pays où l’IVG est, pourtant, autorisé depuis 1975.
Jeudi, deux jours après la salve, il régnait comme une atmosphère de gueule de bois au planning familial de Strasbourg. « C’est comme un retour de manivelle. On s’est tellement bagarrées pour que ces lois existent, pour que chaque femme ait le droit d’avorter en France », abonde Isabelle Mehl, conseillère au planning familial de la capitale alsacienne depuis près de 20 ans.
Mais qu’en dit la loi ? Bertrand Rochambeau le sait, rien n’oblige un médecin à pratiquer une IVG. En vertu de la double clause de conscience mentionnée à l’article R4127-18 du Code de la Santé publique, un médecin est en droit de refuser l’intervention. À condition de renvoyer sa patiente vers un autre praticien. Un vide juridique pas vraiment au goût d’Isabelle Mehl : « C’est normal, à condition que ça ne fasse pas perdre de temps à la personne. Dans certaines régions, on peut attendre trois ou quatre semaines pour un rendez-vous. Si vous êtes déjà enceinte de six semaines, cela peut engendrer des hésitations. Le temps de réfléchir, vous pouvez dépasser le délai. » En France, l’avortement est impossible après 12 semaines de grossesse ou 14 semaines d’aménorrhée, loin des 24 semaines néerlandaises.
Selon le ministère du travail, 211 900 interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées en 2016 dans l’Hexagone. Pas toujours dans la ville d’origine de la patiente. « Il faut savoir qu’à cause des délais, des Parisiennes viennent se faire avorter à Strasbourg », illustre la conseillère du planning.
Des situations disparates en Europe
Dans d’autres contrées européennes, les kilomètres ne sont pas la seule entrave pour réaliser un avortement dans la légalité. En Pologne, l’avortement n’est permis qu’en cas de viol, d’inceste, de danger pour la vie de la mère ou de malformation du foetus. Cette dernière possibilité pourrait être la cible d’un projet de loi déposé, depuis mars dernier, devant le Parlement, qui viserait à supprimer ce cas de figure.
Dans les îles méditerranéennes, le climat est plus favorable pour les touristes que pour les femmes qui désirent recourir à l’IVG. À Chypre, on ne pourra y recourir qu’en cas de viol, d’inceste ou de mise en danger de la vie de la femme ou du foetus. À Malte, l’équation est simple : l’avortement est interdit sous peine de trois ans de prison à l’égard du praticien et de sa patiente. Hors Union européenne, le schéma est similaire au Vatican et à Andorre.
A 89 ans, cette habitante de Kolbsheim a été de tous les combats sur la ZAD du Moulin, épicentre de l'opposition au Grand Contournement Ouest.
Dans son imposante demeure à l’abri des grands arbres qu’elle affectionne tant, bordée par un beau portail en bois tout juste vernis, Germaine Schell n’a pas grand-chose d’une zadiste. Ou de l’image que l’on veut en donner. Un foulard noir tacheté de blancs autour du cou, le blazer parfaitement ajusté, cette octogénaire détonne, au sein de l’opposition au projet de Grand contournement Ouest (GCO) de Strasbourg. Depuis lundi 10 septembre, jour de l’évacuation de la ZAD de Kolbsheim, elle est de tous les rassemblements organisés par les zadistes. Jamais bien loin de la zone sécurisée par des dizaines de gendarmes où, déjà, le déboisement a commencé.
« Je ne peux pas voir cette souffrance, et les gens qui pleurent, les gens tiennent aux arbres, car les arbres, ça donne de la vie. Vous avez vu quand ils ont scié ces arbres, comme elles ont souffert ces plantes ? », s’émeut la vieille dame, habitante de Kolbsheim depuis 30 ans. « C’était des arbres centenaires, même parfois encore plus. J’y passais dans cette forêt, j’allais m’y promener avec mes petits enfants et mon chariot ». Son chariot, c’est son déambulateur.
Celui qui l’accompagne dans toutes les protestations, qu’elle ne manque jamais. Pas même à 5 heures du matin. « La pasteur du village a fait sonner les cloches l’autre jour (lundi, NDLR), comme à chaque rassemblement. Je me suis levée, il a fallu faire vite, mais doucement quand même pour ne pas me faire mal, et rejoindre le rassemblement au centre du village. Et ensuite on est descendu vers la ZAD », raconte-t-elle, sans trop se souvenir de quel jour il s’agissait. La maladie d’Horton, détectée en 2010, affecte sa mémoire et son élocution.
Sa détermination, elle, est intacte. Les nombreuses photos qui circulent sur les réseaux sociaux la montrant un mégaphone en main, face au mur des forces de l’ordre, en attestent. Sa mémoire l’a trahie, là aussi. Germaine Schell n’a, par contre, pas oublié les violences dont elle a été victime lors de l’évacuation : « Nous sommes arrivés au front, nous ne voulions pas que les camions passent, mais les gendarmes n’ont même pas attendu, ils nous ont tout de suite attaqués et gazés. J’ai reçu des coups de pieds dans les genoux, c’était terrible, j’avais mal », raconte-t-elle, assise devant une horloge à pendule en bois vernis.
Emmanuel Macron a reconnu le rôle de l’Etat dans la disparition de ce militant communiste et anticolonialiste durant la guerre d’Algérie.
« Il était temps que la Nation accomplisse son devoir de vérité. » Ces mots, relayés par l’Élysée, sont ceux d’Emmanuel Macron. Ils font référence à l’affaire Maurice Audin, du nom de ce mathématicien communiste, militant d’une Algérie indépendante, disparu dans des circonstances pour le moins secrètes durant la bataille d’Alger. Le 11 juin 1957, explique le journaliste Benamar Mediene dans les colonnes du journal algérien Le Matin, l’homme de 25 ans est arrêté par les autorités françaises, chargées de contenir toutes velléités indépendantistes. « Votre mari reviendra dans une heure, s’il est raisonnable », déclare alors le capitaine Devis à Josette Audin, l’épouse du militant. 61 ans après, celle qui s'est toujours qualifiée comme la veuve de Maurice Audin ne sait toujours pas exactement ce qu’est advenu du père de ses trois enfants, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
« Son épouse n’y a jamais cru »
La version officielle, rappelée par le député La République En Marche Cédric Villani sur les ondes de France Inter le 13 septembre, a longtemps voulu que Maurice Audin se soit échappé et qu’il ait disparu. « Mais son épouse n’y a jamais cru », a poursuivi l’ami de la famille, mathématicien de formation et président du prix Maurice Audin. Le même jour, en visite chez Josette Audin, désormais âgée de 87 ans, Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité « d’un système légalement institué » en Algérie, ayant recours à la torture. « Le chef de l’Etat va appeler toutes les personnes qui ont pu connaître les circonstances de la mort de Maurice Audin à s’exprimer librement afin d’apporter leur témoignage et conforter ainsi la vérité », poursuivait Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields en 2010. En parallèle, le député a annoncé la mise en accès public des archives de l’Etat concernant la guerre d’Algérie.
Non-lieu et amnistie
« Je ne pensais pas que ça arriverait », a confié Josette Audin, soulagée, après avoir appris la décision d’Emmanuel Macron de lui rendre visite à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Durant leur rencontre, le chef de l’Etat a reconnu que son époux était « mort sous la torture », avant de lui demander « pardon ». Commence pour elle la deuxième phase d’un combat entamé dès 1957. Dès le 4 juillet, moins d’un mois après la disparition de son époux, la jeune femme portait plainte contre X pour homicide. Cinq ans plus tard, un non-lieu était prononcé par la justice. A l’époque, l’acte de décès de son mari n’avait pas encore été établi. Il lui faudra attendre 1963.
#MauriceAudin Avec Josette, Michèle et Pierre Audin pour ce moment historique de reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin et la reconnaissance d’un système de répression qui recourait de manière généralisée à la torture. pic.twitter.com/vhjFifxago
— Sébastien Jumel (@sebastienjumel) 13 septembre 2018
La famille du militant n’a jamais cessé son combat contre la vérité présentée par l’Etat. Josette Audin a saisi la justice par deux fois dans les années suivantes. Mais elle s’est à chaque fois heurtée aux lois d’amnistie qui prohibaient l’ouverture d’enquêtes sur des infractions pénales survenues en Algérie.
Une pression politique
Le premier pas d’un homme politique dans le sens de la famille Audin remonte à 2012. Fraîchement élu à la présidence de la République, François Hollande autorisait l’ouverture d’archives sur l’affaire. Deux ans plus tard, le socialiste déclarait publiquement qu’Audin était « mort durant sa détention » et qu’il ne s’était pas évadé.
Tout s’est accéléré début 2018. Le 14 février, jour de l’anniversaire de Maurice Audin, L’Humanité publiait le récit anonyme d’un homme reconnaissant avoir aidé à enterrer le militant communiste. Le même jour, deux députés, dont Cédric Villani, demandaient à Emmanuel Macron que la vérité soit faite sur cette affaire. En mai, L’Humanité publiait cette fois une tribune signée par cinquante personnalités visant à faire reconnaître « ce crime d’Etat ». C’est désormais chose faite.
Florian Bouhot
Retour sur les derniers évènements autour du GCO, un projet de plus en plus controversé.
réalisation Marie Dédéban