Depuis une décennie, l’augmentation des impôts locaux (taxe d’habitation et taxe sur le foncier bâti) pèse fortement sur le budget des ménages. L’étiquette politique des communes influe-t-elle sur les taux de taxe? Pourquoi les taux de taxe évoluent-ils? Qui paye le plus dans le Grand-Est ? Réponses en trois parties, avec l’analyse des fichiers du ministère des Finances et des comptes publics, de 2004 à 2013.
En octobre 2016, comme chaque année, les taxes « ménages », autrement dit la taxe d’habitation et la taxe sur le foncier bâti, ont été payées par plus de deux millions de ménages du Grand-Est. Depuis une dizaine d’années, les impôts locaux n’ont cessé d’augmenter. Selon l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), en 2016, "35 départements français ont rehaussé leur taux de taxe foncière".
Qu’en est–il pour l’ensemble des communes du Grand-Est et ses 5,5 millions d’habitants ? Pour comprendre comment sont calculés ces taux, il faut analyser le contexte économique, géographique et social de la région qui regroupe maintenant l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. Les dix départements de la nouvelle région affichent des disparités importantes. L’Alsace, densément peuplée et très attractive, le sillon mosellan (axe Metz-Nancy-Epinal), Reims et sa périphérie, s’opposent aux régions très rurales, ancrées des Ardennes jusqu’à la Haute-Marne.
Par ailleurs, le système actuel de calcul des taxes est complexe et obsolète. Il repose sur un taux d’imposition fixé par les collectivités locales et appliqué à la « valeur locative cadastrale ». Celle-ci dépend notamment de la surface du logement, du quartier dans lequel il se situe. Etablie pour la première fois en 1970, la valeur locative et son calcul n’ont pas été modifiés. Le paradoxe est grand : des habitants de cités défraîchies des années 1970 payent davantage de taxes que ceux qui logent dans un centre-ville rénové. Annoncée en 2009, sa réforme est inaboutie.
Taux de taxe d'habitation, en 2014
Taux de taxe sur le foncier bâti, en 2014
D’après ces cartes, les taxes varient selon les localités, parfois jusqu’à plus de 40 points d'écart pour la taxe foncière. Les Vosges, l’Aube et les Ardennes, départements ruraux avec une faible activité, se démarquent avec un fort taux de taxe d’habitation. A contrario, la Meuse, le Haut-Rhin et la Meurthe-et-Moselle pratiquent des taux plus faibles, entre 0 et 15%.
Les taux de taxe sont aussi plus élevés pour les municipalités proches du Luxembourg, de la Belgique et de la Suisse. Cet effet de frontière est plus prononcé avec la taxe sur le foncier bâti. Les grandes villes comme Strasbourg, Mulhouse ou Charleville-Mézières appliquent aussi des taux élevés.
En 2013, les taux d’impôts locaux cumulés représentent 52,48%, contre 42,14% dix ans avant. Cette augmentation de 10 points est multifactorielle. La couleur politique des municipalités ne joue pas sur les taux de taxe. Les communes de gauche ou de droite augmentent peu mais de la même façon les impôts locaux, contraints par la conjoncture. En 2008, la crise économique a provoqué une réaction en chaîne catastrophique pour l’économie régionale. Les Français ont arrêté d’acheter des biens immobiliers, et les communes qui ont contracté des emprunts toxiques n’ont pas toujours été en mesure de les rembourser. La fin de la taxe professionnelle a aussi aggravé la situation économique des petites communes aux faibles recettes. Celles-ci se sont rabattues sur les taux de taxe foncière, payée par les propriétaires qui nen sont sont pas exonérés.
Face à cette conjoncture difficile, les collectivités ont eu une réaction assez similaire. La réforme de 2011 sur les collectivités, qui a supprimé la part de revenus du foncier pour les régions et a redistribué la part de la taxe d’habitation des départements aux communes, a chamboulé les recettes de chaque collectivité. Les taux des taxes des municipalités se sont maintenus alors que ceux des départements ont augmenté.
Mais si les taxes varient du simple au double entre des communes voisines, c’est dû avant tout à l’incohérence du système, qui ne prend pas en compte les revenus des habitants. Aucune tentative de réforme de la fiscalité locale entreprise par les différents gouvernements n’a jusqu’à présent abouti.
Fanny Guiné
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