Le sort de jeunes immigrés illégaux aux Etats-Unis, communément appelés « Dreamers », est un sujet de blocage récurrent au Congrès depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Une manifestation de Dreamers en réaction à l'abrogation du DACA. Crédit photo : Rhododendrites
Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le sort des « Dreamers » est au cœur d’une bataille politique et juridique intense. Au-delà du simple débat idéologique sur l’immigration, le sujet est instrumentalisé par les camps démocrates et républicains à des fins politiciennes, et ce alors que se profilent les élections de mi-mandat prévues pour novembre prochain. Les Républicains les plus conservateurs, soutenus par la Maison blanche, s’en servent comme d’une monnaie d’échange pour avancer sur des réformes plus larges visant l’immigration illégale et les conditions d’obtention de la citoyenneté américaine.
Quelle est l’origine de la controverse ?
Le terme « Dreamers » désigne les jeunes immigrés illégaux arrivés aux Etats-Unis avant l’âge de 16 ans aux Etats-Unis, n’ayant pas de casier judiciaire. Ils sont près de 800 000, et réputés plutôt bien intégrés. En 2012, Barack Obama avait signé un décret, le Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA), qui leur octroyait un permis renouvelable de deux ans, ouvrant l’accès au système éducatif et au marché du travail. En septembre dernier, Donald Trump a décidé d’abroger le programme de manière unilatérale en fixant sa date d’expiration au 5 mars 2018, le temps pour le Congrès de trouver un accord à ce sujet.
Pourquoi le sort des « Dreamers » est-il si problématique ?
Cela touche à la thématique de l’immigration, soit l’un des principaux points de clivage entre Républicains et Démocrates. Ces derniers ont fait de la question des « Dreamers » l’un de leurs principaux chevaux de bataille, en raison de sa forte charge symbolique. Dans les faits, cela a empêché le Congrès de trouver un accord sur le projet de loi de financement de l’Etat fédéral, parce que les Démocrates, disposant d’une minorité de blocage au Sénat, refusaient de valider un budget en l’absence d’accord sur l’immigration.
Après des mois d’échecs à trouver un compromis, l’Etat fédéral, faute de crédits, s’est même vu contraint à un premier shutdown (arrêt du fonctionnement de l'administration fédérale en l'absence de financement). Il n’a pris fin que trois jours plus tard, après que le chef de la majorité républicaine au Sénat s’est engagé à trouver une solution au sort des « Dreamers ». La rallonge budgétaire de trois semaines convenue à ce moment-là n’a cependant pas permis d’avancer sur le dossier. Si bien que, le 7 février, après un nouveau shutdown de quelques heures, les Démocrates, en position de faiblesse face à l’intransigeance des Républicains, ont fini par voter le budget de l’Etat.
Le DACA est aussi l’objet d’une bataille sur le plan juridique. Le juge fédéral William Alsup a ainsi bloqué son abrogation le 9 janvier, ordonnant à l’administration Trump de continuer à appliquer le programme sur l’ensemble du territoire. « Notre système judiciaire est injuste et ne fonctionne plus », avait réagi le président sur Twitter. En réponse, ce dernier a demandé à la Cour suprême de trancher sur la validité de l’abrogation, ce qu’elle a refusé de faire lundi 26 février, au motif que tous les recours dans les juridictions inférieures n’ont pas été épuisés.
Quelles sont les suites potentielles de l’affaire ?
L’annonce de la Cour Suprême donne plus de temps au Congrès pour trouver une solution, mais rend aussi peu probable des avancées dans les négociations tant que les recours juridiques ne seront pas arrivés à leur terme. Les différentes propositions formulées jusque-là n’ont d’ailleurs pas réussi à réunir une majorité suffisante pour être adoptées : le 15 février, Donald Trump et les sénateurs de l’aile droite républicaine avaient bloqué un compromis trouvé par les modérés des deux camps, avant de proposer son propre projet, lui aussi repoussé.
Le président compte se servir du sort des « Dreamers » comme d’une monnaie d’échange pour d’autres réformes. Il voudrait conditionner la signature d’un accord à trois choses : le financement du mur avec le Mexique, la fin de la loterie pour la green card (carte de résident permanent) et des restrictions au regroupement familial.
Pour ces raisons, la conclusion d’un accord bipartisan semble de moins en moins probable. A défaut d’une solution sur le long terme, les législateurs pourraient choisir de prolonger le programme DACA de quelques années, en échange d’un financement partiel du mur avec le Mexique.
Eddie Rabeyrin