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​A la suite des élections régionales de décembre 2015, l'Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine (Acal) fusionneront le 1er janvier 2016 en une seule grande région. Un vaste territoire qui s'étend de Strasbourg à l'île-de-France et qui longe les frontières d’une partie de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Suisse. La nouvelle entité réunira plus de 5,5 millions d'habitants.

L'Acal forme-t-elle pour autant un ensemble cohérent ? Les débats ayant précédé la formation de la grande région n'ont pas été de tout repos et ont divisé les élus comme la population. L'Alsace, très attachée à ses particularités juridiques et culturelles, craignait d'être diluée au sein de ce vaste territoire. La Lorraine et la Champagne-Ardenne voyaient d'un mauvais œil la nomination de Strasbourg comme capitale de l'Acal. Si la préfecture du Bas-Rhin est la ville la plus peuplée et accueille plusieurs institutions françaises et européennes, elle est totalement excentrée du coeur de la grande région. Lorrains et Champenois craignent de se retrouver éloignés du centre de gravité et d'être exclus des décisions. Autre obstacle non négligeable, les préjugés entre des Alsaciens prospères et des Lorrains plus modestes. Facteur auquel s’ajoute une rivalité historique vieille de plusieurs siècles. Les deux régions se retrouvent sur un point : leur refus de fusionner. Les différents partis régionalistes se sont unis au sein d'une liste commune pour les élections de décembre 2015 sous un nom sans équivoque: « Non à l'Acal, oui à nos régions ».

Le passage au crible des 5 195 communes de l'Acal permet de mettre en lumière les disparités de ce grand ensemble. En croisant les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 2012 avec de nombreux indicateurs socio-économiques, comme le taux de chômage ou les équipements de santé, on découvre une Acal complexe et hétérogène, entre particularités locales et grandes tendances.

Carte des tendances politiques par commune, par rapport à la moyenne régionale en 2012

 

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La carte ci-dessus offre une première lecture des différences « acaliennes ». Elle ne désigne pas le parti arrivé en tête dans chaque commune mais la mouvance politique qui s'est distinguée par un score supérieur à sa moyenne sur la région, ce qui permet de dégager des tendances de vote.

Parmi les enseignements de cette carte, une forte abstention (blanc) dans les grandes agglomérations, un vote orienté vers la droite (bleu) en Alsace. Les campagnes et les zones frontalières de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne se tournent plutôt vers le Front National (gris) ou vers la gauche avec les candidats François Hollande et Jean-Luc Mélenchon (rouge).

 

Ce nuage de points confirme les différences inhérentes à l'Acal. En s'appuyant sur plusieurs indicateurs socio-économiques* et en les mettant en perspective avec les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, on constate que les dix départements formant la grande région ont des attitudes électorales différentes. Les Ardennes, la Meurthe-et-Moselle et, dans une moindre mesure, la Moselle tendent vers un vote de gauche et l'abstention. Des départements comme les Vosges, la Meuse et la Haute-Marne se rapprochent d’un vote contestataire (Le Pen, Poutou, Arthaud). Enfin, l'exception alsacienne ressort de ce graphique. Les points représentant le Bas-Rhin et le Haut-Rhin sont très proches, prouvant que leurs caractéristiques sont similaires : un vote de droite (Bayrou ou Sarkozy) et très peu de vote contestataire.

Une grande région, quatre problématiques

En étudiant l'ensemble des cartes de ce dossier, on remarque l'émergence de trois pôles dynamiques : Reims et ses alentours, le sillon mosellan (Metz-Nancy-Epinal) et l'Alsace. Le premier pôle, Reims, peut s'appuyer sur son patrimoine historique et surtout sur son agriculture.

Selon l'Insee, la Champagne-Ardenne est la première région agricole de France avec une forte production céréalière et surtout, un célèbre vin mousseux dont le prestige dépasse les frontières, offrant à Reims des retombées économiques non négligeables. Premier secteur d’exportation de la région, l’industrie du champagne, qui assure 30 000 emplois directs, attire chaque année plus d’un million de touristes à Reims et ses environs. Un dynamisme accentué par l’arrivée du TGV en 2007, mettant la capitale champenoise à 40 minutes de Paris.

Situé au cœur de la Lorraine, le sillon mosellan, matérialisé par un axe Metz-Nancy-Epinal, apparait comme un îlot protégé au milieu d’une région qui a fortement souffert de la désindustrialisation ces dernières décennies. Ayant réussi sa transition vers l'économie tertiaire, cette succession d’agglomérations attire une population plus jeune, plus diplômée et plus aisée que la campagne environnante.

La dernière zone dynamique, sans doute la plus importante, est l'Alsace. Alors que la Lorraine et la Champagne-Ardenne présentent des visages contrastés, l'Alsace apparaît relativement uniforme et cohérente. C’est la région où les revenus médians sont les plus forts, le taux de chômage le plus bas et qui dispose d'une industrie qui a mieux résisté qu'en Lorraine ces dernières décennies. Sans compter l’enseignement supérieur et les institutions européennes de Strasbourg qui attirent beaucoup d'étudiants et de jeunes actifs. L’Alsace est la région de l'Acal où l'augmentation de la population est la plus forte, alors qu’elle est la plus petite en terme de superficie. D'un point de vue électoral, l'Alsace est très homogène et a traditionnellement tendance à voter à droite.

Par-delà le désert, la frontière

Hors de l'Alsace, une zone rurale fragile s’insère dans un ensemble plus vaste de la grande région, formant le « désert » de l’Acal. Correspondant à une partie de la Champagne-Ardenne et à l’est de la Lorraine, c’est un espace peu peuplé, peu urbanisé, où les infrastructures sportives, médicales et scolaires se font rares. Cette région forme d’ailleurs l’extrémité nord de la  « diagonale du vide », concept démographique se traduisant par une bande traversant la France des Ardennes jusqu’aux Pyrénées. Un espace dans lequel on trouve la plus faible densité de population du pays.

Assez âgée et aux revenus modestes, la population de ce territoire reculé fait l’objet d’une opération séduction du Front National qui évoquait la « France des oubliés » lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2012. Mais un coup d’œil aux résultats du premier tour de ce scrutin prouve que le vote FN n’y fait pas l'unanimité. Si le parti de Marine Le Pen y réalise de bons scores dans plusieurs communes, le vote de gauche ou l’abstention sont également importants. 

Avec environ 900 km de frontières faisant le lien avec quatre pays (Belgique, Luxembourg, Allemagne et Suisse), l'Acal est aussi la région de France ayant la plus longue frontière terrestre. Une particularité non négligeable à l'heure ou populations et marchandises circulent librement au sein de l'espace Schengen. Les zones frontalières revêtent des caractéristiques particulières comme un taux de chômage faible, une population relativement jeune et, plus étonnant, un taux d'abstention assez fort à l'élection présidentielle de 2012. Pour autant, les échanges transfrontaliers se concentrent en des points précis, particulièrement dynamiques.

A travers l'analyse de nombreux facteurs socio-économiques et l'éclairage d'experts, ce dossier s'article autour de quatre chapitres thématiques. Ils offrent quelques clés pour mieux comprendre l'Acal, ses disparités, ses particularités et ses identités.

Alexandre Rousset

(*) Indicateurs socio-économiques (Chiffres 2012) : Taux de chômage, nombre de créations d'entreprises, évolution du nombre de créations d'entreprises, taux de création d'entreprises, nombre d'équipements sportifs et culturels, poids des ménages, taux de scolarisation, poids des ouvriers dans la population active, revenus médians des ménages, poids des agriculteurs dans la population active, poid des 15-29, taux de résidences secondaires.

 

Crédits

Directrice de la publication : Nicole Gauthier

Encadrement : Nicole Gauthier, Etienne Guidat, Raphaël Da Silva

Rédacteur en chef : Alexandre Rousset

Chef d'édition : Nicolas Serve

RéalisationAudrey Altimare, Enric Bonet-Torra, Romain Boulho, Jérémy Bruno, Hélène Capdeviole, Justin Delepine, Valentin Ehkirch, Loup Espargiliere, Clément Gregoire, Hélène Gully, Ismaël Halissat, Benjamin Hourticq, Mathilde Loire, Antoine Magallon, Theau Monnet, Nina Moreno, Estelle Pattée, Volodia Petropavlovsky, Christelle Pravixay, Anna Riva, Alexandre Rousset, Nicolas Serve, Aurelie Sipos, Antoine Terrel, Elodie Troadec

Encadrement technique : Guillaume Bardet

 

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