Les pays riches bien installés au sommet de l’Olympe

Anneaux olympiques

Derrière les grandes valeurs universalistes que promeut le Comité international olympique (CIO), le sport de haut niveau reste profondément inégalitaire. Depuis 1980, beaucoup de pays n’ont rapporté aucune médaille des Jeux olympiques, et ce malgré la multiplication du nombre d’épreuves et par conséquent du nombre de breloques distribuées.

Si l’on s’intéresse de plus près aux “exclus” de l’olympisme, on constate que ce sont des pays pauvres, venant essentiellement d’Afrique. Alors que se cache-t-il derrière la répartition des médailles olympiques ? La victoire n'est-elle réservée qu'aux pays riches ? Existe-t-il des épreuves plus égalitaires que d’autres ? Y-a-t-il une différence entre jeux d’hiver et jeux d’été ?

Un universalisme contestable

Répartition des médailles aux JO d'été depuis 1980
Infogram
Infographie nombre médailles

Par "pays développés" ou "pays riches", on entend les pays avec un Indice de développement humain (IDH) supérieur à la moyenne mondiale de la dernière évaluation du Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD) en 2015, soit 0,717. Ceux qui sont en-dessous de cette limite sont les "pays en voie de développement" ou "pays pauvres".




Indicateur de développement humain (IDH)

L'indice de développement humain est calculé depuis 1990 par le "Programme des Nations-unies pour le développement" (PNUD) afin de classer les pays selon leur développement qualitatif et pas uniquement économique. Le PNUD définit ainsi l'IDH : “L'indicateur de développement humain mesure le niveau moyen auquel se trouve un pays donné selon trois critères essentiels du développement humain : longévité, instruction et conditions de vie." L'IDH est calculé par combinaison de trois indicateurs : l’espérance de vie à la naissance, l’accès à l’éducation, le PIB par habitant.

ÉTÉ
1980-2016
HIVER
1980-2018

Jeux d'été : l'illusion de la diversité

La lente émergence des pays du Sud

JO ÉTÉ
Infogram

Qu’elle que soit l’édition, la donne est la même : les pays situés au nord de l’équateur remportent le plus de médailles. Ce sont essentiellement des pays riches. Seule l’Australie, qui fait elle aussi partie des pays développés, concurrence les États du nord. Toutefois, la tendance est à une multiplication des pays médaillés. Alors qu’ils n’étaient que 36 à avoir eu l’honneur de monter sur le podium en 1980, ils sont 86 en 2016. Les pays sud-américains et africains, peu performants en 1980, le sont beaucoup plus 36 ans plus tard. Même s’ils sont encore loin de rivaliser avec les mastodontes que sont les États-Unis, la Russie et la Chine. Ainsi, aucun État africain n’a obtenu plus de 15 médailles à une olympiade (14 pour le Kenya en 2008). Du côté sud-américain, le Brésil fait à peine mieux avec 19 breloques. C’était en 2016, à domicile (Rio de Janeiro).

L'essor de l'Asie

L’Europe est solidement installée sur la plus haute marche du podium, devant l’Asie et l’Amérique du Nord. En parallèle, si le nombre de médailles remportées par l’Amérique du Sud et l’Afrique est toujours très faible par rapport aux trois continents les plus performants, il augmente peu à peu. Les pays africains n’avaient rapporté que 2% des médailles délivrées à Séoul en 1988, contre 5% à Rio de Janeiro en 2016. L’Amérique du Sud est passée de 2% à 4%. Mais le fait marquant de ces dernières décennies est l’émergence sportive de l’Asie. Alors qu’en 1988, elle n’avait gagné que 11% des médailles, elle en a rapporté 25% en 2016. Depuis 1996, l’Asie, portée par la Chine, remporte plus de médailles que l’Amérique du Nord.

Mieux vaut être riche et peuplé

L’immense majorité des pays médaillés sont ceux qui ont un IDH supérieur à 0,717 - soit la moyenne mondiale en 2015 -, et sont donc des pays développés.
En outre, pour gagner un grand nombre de médailles, il convient d’être un pays peuplé. Preuve que la richesse, certes déterminante pour briller aux jeux, n’est pas suffisante et doit être couplée à un vivier national de sportifs important. Ainsi, en dépit d’un IDH très élevé (0,949), la Norvège, qui ne compte que 5,3 millions d’habitants, n’a ramené que quatre médailles de bronze au JO d’été de 2016. À l’inverse, l’Éthiopie compte le double de médailles, en dépit d’un IDH deux fois moins important (0,448). Mais elle peut se reposer sur une population très importante, de plus de 100 millions d’habitants.

L'équitation, sport élitiste par excellence

Infographie équitation
Picto équitation

L’équitation est l’un des sports d’été les plus représentatifs des inégalités entre pays développés et pays en voie de développement. Tous les pays médaillés dans la discipline en 2016 ont un IDH élevé. La France étant le pays ayant l’indicateur le plus faible (0,897). Le succès est corrélé au nombre de licenciés, de cavaliers professionnels et de chevaux de haut niveau. Ainsi l’Allemagne et la France, qui occupent les deux premières places du tableau des médailles en 2016, sont aussi les deux nations avec le plus de cavaliers et chevaux de haut niveau. Depuis 1984, seuls le Brésil et l’Arabie Saoudite, qui sont des pays au niveau de richesse inférieur, troublent l’hégémonie des plus riches.

Si l’on compare l’équitation au tennis, par exemple, on constate qu’un plus grand nombre de pays de différents est monté sur le podium au tennis depuis 1984, bien que l’équitation distribue plus de médailles. Ainsi 16 pays se sont partagées les 162 médailles en équitation remises depuis 1984. En tennis, le ratio est 27 pour 117. L’équitation est donc un sport réservé à un nombre relativement restreint de pays (riches).

La France profite de cette situation pour briller dans les sports équestres. Avec trois médailles rapportées de Rio en 2016, deux en or, une en argent, elle s’est positionnée à la deuxième place du tableau des médailles de la discipline. Les deux titres ont été remportés lors des épreuves par équipe de saut d’obstacles et de concours complet, ce qui est révélateur de la bonne homogénéité de l’équipe de France d’équitation. En effet, avec près de 700 000 licenciés, 2 600 cavaliers professionnels et 5 500 chevaux de haut niveau, la France constitue l’une des meilleurs nations équestres. En grande partie parce qu’elle a les moyens d’investir dans la discipline, particulièrement onéreuse.

Jeux d'hiver : chasse gardée du Nord

Hégémonie nordique

JO HIVER
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Ce sont les pays du nord, dans leur acception géographique d’abord, qui raflent l’immense majorité des médailles. Si l’on divise le planisphère en deux, on se rend compte que tous les pays médaillés - exceptions faites de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande à partir de 1992 - se situent au nord.

L'Afrique et l'Amérique du Sud hors course

Les jeux d’hiver sont beaucoup plus exclusifs que ceux d’été. L’Europe truste 74% des médailles distribuées depuis 1980, et l’Amérique du Nord 17%. À l’opposé, les pays sud-américains et africains ne sont jamais montés sur le podium. Néanmoins, les inégalités continentales tendent à se réduire. Alors que l’Océanie n’avait remporté aucune médaille sur les trois premières olympiades étudiées, elle en a remporté onze sur les trois dernières. Et les pays asiatiques, qui n’étaient montés qu’à une seule reprise sur le podium en 1988, ont décroché 40 médailles lors des derniers jeux de PyeongChang.

Preuve de cette réduction progressive de ces disparités, le nombre d’athlètes originaires des pays d’Afrique augmente progressivement. Lors des derniers jeux, huit pays africains étaient ainsi représentés : Afrique du Sud, Érythrée, Ghana, Kenya, Madagascar, Maroc, Nigéria et Togo. Soit cinq nations de plus qu’en 2014, où seuls Maroc, Togo et Zimbabwe représentaient le continent.

Compétitions entre soi

Les jeux d’hiver sont ceux de l’affrontement entre pays développés. Rares sont les pays en voie de développement capables de décrocher une médaille. Ce n’est pas si surprenant quand on sait à quel point la pratique des sports d’hiver est onéreuse. Cette concentration permet par ailleurs à de très petits États de s’illustrer. Ainsi, la principauté de Liechtenstein, qui ne compte que 38 085 habitants, a obtenu une médaille de bronze grâce à Tina Weirather en ski alpin, à PyeongChang.

Le ski alpin porte bien son nom

Picto ski

Outre la richesse, il existe un autre facteur d’inégalité, d’ordre géologique, pour les jeux d’hiver et notamment les épreuves de ski alpin. La présence de massifs montagneux enneigés est essentielle pour avoir des chances d’obtenir des médailles. Ainsi il n’est pas étonnant de voir les pays alpins (Suisse, Autriche, France, Liechtenstein, République Tchèque) remporter 21 des 33 médailles distribuées aux jeux de PyeongChang 2018.

Mais la présence de montagnes n’est pas suffisante, il faut les infrastructures qui vont avec. Malgré la présence de la Cordillère des Andes sur leur territoire, l’Argentine et le Chili ne comptent respectivement que 22 et 21 stations. Visiblement trop peu pour rivaliser avec les meilleurs. Exceptions qui confirment la règle, la Chine et le Japon, qui sont les deux pays dotés du plus grand nombre de stations, n’ont jamais gagné de médaille aux Jeux olympiques d’hiver. À l’inverse, le Liechtenstein a un ratio exceptionnel : il a gagné une médaille de bronze à PyeongChang alors qu’il ne possède… qu’une seule station !





Les prochains jeux olympiques d’été auront lieu à Tokyo en 2020 et ceux d’hiver à Pékin en 2022. Après PyeongChang en 2018, cela représente trois olympiades de suite en Asie, signe de l’importance qu’a pris le continent sur le plan sportif. À tel point que le CIO a choisi de désigner une ville situé à 43 mètres d’altitude, Pékin, pour accueillir des jeux d’hiver.

Méthodologie et sources

Pour réaliser ce projet, nous avons recensé toutes les médailles olympiques distribuées depuis les Jeux olympiques de Moscou en 1980, été et hiver confondus. Ces résultats ont été mis en relation avec le PIB par habitant, l’Indice de développement humain (IDH) et la population de chaque pays par année olympique.
À partir de ces données, nous avons réalisé des cartes du monde par olympiade, des diagrammes en barres par continent et par olympiade, ainsi que des nuages de points qui mettent en relation la population, le nombre de médailles et l’IDH de chaque état lors des deux dernières éditions des jeux olympiques.
Pour mesurer la richesse de chaque pays, nous avons préféré l’IDH au PIB/habitant, car nous considérons cet indicateur plus complet, même s’il peut paraître plus abstrait.

Les chiffres des JO d’été de 1980 et 1984 sont à prendre avec du recul, en raison de la Guerre froide. Les jeux de 1980, qui se sont déroulés à Moscou, ont été boycottés par une partie du bloc ouest, dont les États-Unis et le Canada, alors que ceux de 1984, à Los Angeles, ont été boycotté par un partie du bloc est, dont la Russie.

Sources :
IDH et PIB/habitant : données de la Banque mondiale
Population : worldometers.info
Équitation : Fédération française d’équitation, The British Horse Society, The Demographics of the US Equine population, rapport sur la contribution de l’industrie équestre dans l’économie australienne, l’étude sur le profil de l’industrie équestre canadienne.
Ski alpin : rapport 2017 de Laurent Vanat sur le tourisme en montagne
Pictogrammes : The Noun Project (Aldric Rodriguez, Andibileru Andaleru)